04 Jun Le sourire ironique du Yellow Man – La Nouvelle République
Article signé Jaoudet Gassouma, Nouvelle République.
“Comme dans une fulgurance multicolore, Yasser Ameur, jeune artiste fougueux laisse son empreinte arc-en-ciel sur la scène artistique algérienne de belle manière. Il envahit les territoires de France et de Navarre avec son œuvre si particulière.
Un peu de figuration libre par-là, un peu de Pop Art revisité par-ci, quelques notes référencées sur la bédé, des pointes colorées d «‘Arte mediale» des années 2000 qui use de la publicité, d’images emblématiques, illustrée par des artistes comme Sergio Cascavilla, Alessandro Rivoir et beaucoup d’autres est un art très consommé en Italie. La mayonnaise prend de belle manière car «l’Homme Jaune», ce générique accompagne le plasticien comme une seconde peau. L’homme, curieux de tout, puise dans toute l’imagerie qui l’entoure que cela soit les vieilles publicités des années 1950 honorant la ménagère américaine de moins de 50 ans, prolifique bonne mère de famille, féconde et maternelle, enterrée très tôt dans le foyer familial, dans les rets de valeurs familiales républicaines qui n’ont empêchées ni Guantanamo, ni la guerre du Vietnam, ni celle d’Irak… Et puis cette image iconique, puisée dans les témoignages horrible d’Abou Ghreïb, la symbolique est ancrée dans les mœurs et dans l’inconscient collectif, désormais !
Yasser Ameur a exposé du 12 au 27 mai 2017, à la Seen Art Galery dans un intermède que nous jugeons trop court en faisant suite à quelques plasticiens comme Mehdi Djellil, Rachid Djemaï ou Amar Briki, qui à chaque évènement présenté dans ce lieu marquent d’une pierre blanche une scène picturale qui dans sa puissance artistique a beaucoup à dire…L’un de ces artistes qui ont justement beaucoup à dire est Yasser Ameur qui apporte de la couleur en imposant une pâte artistique faite de tonalités franches, de dérision, d’un sens critique poussé et d’une esthétique poil à gratter qui a fait grincer bien des dents lors de cette exposition. Sur quelques 26 toiles en acrylique, avec quelques pointes graphiques au marqueur noir, maniant le serti comme un couteau qui tranche dans le vif.
Yasser plonge ses pinceaux dans les aplats d’une réalité souvent amère, il décide de transposer ces faits connus de tous dans le délicat espace d’une esthétique souvent peu dérangeante, le plasticien transforme alors l’état d’une situation vers un autre état qui relève de l’esthétique. Et là, l’œuvre dans sa couleur franche, ses grands espaces laissés vides, ses scènes résumées pour aller juste à l’essentiel, ses dessins imparfaits réalisés comme tels et pensés comme tel, s’imposent aux regards comme une évidence portant un message clair et net. Yasser Ameur a décidé de dire NON ! à toute complaisance, à tout art qui plait nécessairement, à toute logique pseudo intellectuelle redondante et absconse.
L’artiste décide d’être le chef de file d’une idée maîtresse que l’art est partout, même dans le plus petit résidus de marc dans une tasse du café qu’il égaye de quelques livres, déclenchant le débat, agitant le souffle actif d’une culture qui a horreur du vide, insufflant de l’énergie à ceux qui ont quelque chose à dire, quelque chose à lire…C’est ce qui fait de cet artiste qui en a vu d’autres par monts et par vaux, entre les murs investis de « Raconte-arts » en Kabylie, à Tamanrasset ou dans les galeries de Paris, Bruxelles, Londres ou Amsterdam, il est partout, là où la parole cherche à devenir, là où la peinture a des choses à dire. Pour cette fois, la politique, le sexe, la religion, les médias font le lit d’une superbe exposition qui nous a révélé un talent catalyseur de débats.
Yasser Ameur, l’homme universel use de sa belle figuration intelligente et fortement intelligible pour prendre les mythes, les vierges Marie, les grandes images à la Manet ou à la Van Gogh pour triturer le sujet, le rendre algérien, le faire macérer dans un jus acrylique flamboyant, rouge terrible, vert provoquant, jaune ironique, ou bleu subtil qui transforme les gris souris en noirs stylisés ou la police déclinée à coups de pochoirs noirs ici dit des aphorismes posés sur les murs, entre Homme jaune, Coluche et Yasmina Khadra, les phrases se suivent et ne se ressemblent pas.
Ameur fils, traduit ici l’ironie en images directes, apposées sur le support comme le manifeste conscient d’un ras le bol esthétisé à souhait et de la plus belle manière pour nous donner de la manière la plus originale à voir ce que le miroir de nos incohérences veut bien nous montrer. Bien des dents ont grincées devant l’expression frontal de cet artiste pas courageux, juste honnête qui a su transcrire une réalité qui nous fait du bien à tous, cette vérité sublime que oui, les artistes sont aussi des citoyens comme les autres…Yasser Ameur, peut-être un peu plus que les autres !!!
•Exposition «L’homme jaune s’expose», exposition du 12 au 27 mai 2017, à la Seen Art Galery, 156 lotissement El Bina, Dely Brahim, entrée libre”
03 JUIN, Nouvelle République.